L’acide lactique, au delà des idées reçues

Quand nos artisans du mouvement, j’ai nommé nos muscles, nous font des misères, le terme d’acide lactique apparaît vite... associé à la notion de déchet, il a trop souvent mauvaise réputation. Celle-ci provient beaucoup du fait que nous confondons ACIDE LACTIQUE et LACTATE. Le mot « acide » semble alors nous entraîner dans un tas d’interprétations erronées.

L'acide lactique est issu de la fermentation réalisée par certaines bactéries. Il est en effet produit dans la cellule musculaire lors de l’effort physique, à partir d’un autre acide (pyruvique) ; mais il est immédiatement dissocié en 2 = 1 molécule de lactate + 1 proton. 

Afin de mieux comprendre quand est produit le lactate, rappelons que nos muscles font appel à plusieurs filières pour produire de l’énergie. Ces filières sont utilisées de manière concomitante durant la pratique d’une activité sportive, et selon le type et la durée de l’effort, l’une prend simplement le dessus sur les autres :

1/ la filière SANS oxygène : ANAÉROBIE- avec et sans production de lactate

C’est lorsque la contraction intense du muscle comprime les vaisseaux sanguins de ses fibres, limitant l’apport d’oxygène, que le muscle va faire appel à cette filière. Elle comprend :

  • L’anaérobie lactique (avec production de lactate)

C’est la filière énergétique prépondérante lors d’efforts courts (généralement entre 20 secondes et 1 minute 30 tels que 200 m, 400 m, les sports collectifs qui enchaînent des accélérations, certains efforts intermittents, etc..).

. Pour créer de l’énergie, elle utilise le glucose comme substrat.

. Sa capacité et sa puissance sont moyennes.

  • L’anaérobie alactique (sans production de lactate)

C’est la filière énergétique prépondérante lors d’efforts intensifs et brefs (sauts, lancers, sprints courts, musculation etc.)

. Pour créer de l’énergie, elle utilise comme substrat 2 molécules : l’adénosine triphosphate qui s’épuise en 2/3 secondes puis la créatine phosphate qui elle va s’épuiser en 10/15 secondes.

. Sa capacité est faible (quelques secondes). Mais sa puissance est très importante.

2/ la filière AVEC oxygène : AÉROBIE – avec production de lactate

C’est la seule filière énergétique prépondérante sur des efforts d’endurance et c’est la seule dont le processus métabolique utilise de l’oxygène.

. Elle utilise tous les substrats (principalement glucides et lipides).

 . Sa capacité est régulière, mais sa puissance est relativement faible et lente (les molécules énergétiques ne sont produites qu’en quantité modérée).

La production de lactate a été traditionnellement associée à la filière anaérobie. Notons que les connaissances scientifiques actuelles tendent à indiquer que le muscle produit du lactate en permanence même lorsque l’apport en oxygène est suffisant !

Le lactate est donc étroitement lié à nos efforts musculaires. Mais, contrairement aux idées reçues, ce n’est pas un déchet mais bien quelque chose de positif associé à un fort potentiel énergétique, non responsable de tous nos légers problèmes et douleurs de sportif !

  • Il n’est pas LE responsable de la fatigue

C’est l’intensité de l’activité musculaire et le fait que nous ne puissions plus au contraire créer de lactate qui cause principalement la fatigue (plus on force, plus on se fatigue).

  • Il n’est pas LE responsable des crampes.

On peut très bien avoir des crampes dans son sommeil. La survenue des crampes peut avoir différentes causes : phénomène de déséquilibre d’excitabilité neuromusculaire, déshydratation trop importante, blessure, posture statique trop longue, acidose ...

  • Il n’est pas LE responsable des courbatures

Ces douleurs musculaires arrivent 24h à 72h après l’exercice physique. Or le lactate est recyclé dans le corps environ une heure après l'effort sans aucune activité post effort sportif, soit bien avant l'apparition de celles-ci. Les courbatures sont plutôt dues à des microlésions et/ou microtraumatismes des tissus musculaires, à une accumulation de déchets (ammoniac, H+ etc.), à des petits épanchements de sang provoqués par rupture des capillaires sanguins ou à une inflammation des fibres musculaires suite à un étirement trop soudain et excessif.

  • Il n’est pas LE responsable de l’acidification du muscle 

Comme nous confondons acide lactique et lactate évidemment cela fausse tout : le lactate est une base (donc l’inverse de l’acide). La principale cause de l’acidification du muscle est simplement la quantité de contractions musculaires effectuées dans un laps de temps restreint. Plus l’effort est intense, plus la cellule musculaire va s’acidifier suite à des réactions chimiques nombreuses et complexes permettant de produire de l’énergie et impliquant beaucoup de molécules (ions hydrogène, protons, phosphate...). Mais il n’y a pas de lien causal avec la présence de lactate et l’incriminer serait un raccourci simpliste. 

 Par contre, le lactate se balade dans l’organisme pour notre plus grand bien, il peut sortir d’une fibre musculaire et être capté par d’autres organes : cœur, foie, rein, pour aider à fournir de l’énergie ou reproduire du glucose.

Pour résumer :

Le lactate est un intermédiaire énergétique qui a une utilité similaire à un couteau suisse. Selon les besoins de l’organisme, il empruntera la voie la plus utile à un moment précis. De plus, il joue dans notre corps le rôle de « signaleur » d’adaptations, bénéfique à la performance. 

 Attention donc à toutes les phrases réductrices autour de l’effort physique du type «la sensation de brûlure, la tétanie et la fatigue physique sont dues à l’acide lactique ». La merveilleuse mécanique du corps semble bien plus subtile dépendra de nombreux facteurs. C’est pourquoi il peut être judicieux :

. de rechercher un entraînement sportif adapté à sa constitution et à ses envies profondes,

. de se rappeler de l’importance de l’échauffement, de la gestion de l’effort,

. de l’alimentation source première de nos performances physiques !

 

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